Économie sociale et église, un heureux mariage !

L’économie sociale existe au Québec depuis d’un siècle. Ce modèle d’affaires a su créer des solutions innovantes en réponse aux impacts provoqués par différentes crises politiques, sanitaires et économiques. Les artisan.e.s de cette économie inclusive aspirent à un monde meilleur où l’humain prime sur le profit. Mais, l’omniprésence du profit, l’enrichissement individuel, la mondialisation des marchés et le capitalisme font toujours de l’ombre à ce modèle entrepreneurial qui a comme ambition de mettre l’économie au profit de l’humain.

Nous avons fait des avancées formidables depuis les 25 dernières années pour faire connaitre et reconnaitre la contribution de l’économie sociale dans le développement socioéconomique du Québec. Ce modèle de développement est propice à la prise en charge, la résilience, la participation citoyenne. Des facteurs déterminants dans la pérennité d’un projet.

L’économie sociale peut répondre à une diversité incroyable d’enjeux et de besoins, allant d’un service de proximité de base comme une épicerie à un regroupement d’ingénieurs ou un musée. Aucune mission n’est plus importante qu’une autre. Toutes les entreprises collectives, peu importe leur secteur d’activités ou leur mission, produisent un impact positif dans la communauté et favorise la cohésion sociale.

Économie sociale et patrimoine

Le Québec compte un nombre fascinant de villes et villages qui portent le nom d’un saint. Les clochers d’églises parsèment notre paysage, tant urbain que rural. Il s’agit d’un patrimoine à caractère religieux, historique, culturel et communautaire extraordinaire. Aujourd’hui, les fidèles se font moins nombreux dans nos églises (80 % des Québécois et Québécoises disent croire en Dieu, mais à peine 11 % affirment assister à un service religieux par semaine*) et cette situation met donc en péril la survie de ces lieux de cultes.

Cet enjeu occupe l’actualité avec la vente et la démolition de plusieurs églises. Mais, quel lien faire avec l’économie sociale ? En fait, nous nous intéressons à la survie de ces lieux dans une optique de développement territorial. Comme les églises font face à un défi financier pour assurer la survie les coûts d’entretien, ceci soulève une grande réflexion face à leur usage.

Symbole de notre histoire et de notre culture, l’église représente bien plus qu’un lieu de prière, que l’on soit pratiquant ou non. L’église est un lieu de rassemblement, de vie communautaire. Il est essentiel de transformer cet enjeu en occasion de mobilisation afin de réinventer le patrimoine. L’économie sociale peut favoriser la recherche de solutions innovantes afin d’en faire des projets collectifs et donc un levier pour dynamiser les communautés.

Ceci ne peut se faire sans secousses, car la charge émotive qu’évoque la fermeture, la vente, la transformation ou la démolition d’une église est bien présente. Il est malheureux de constater que nous impliquons très peu la communauté dans la réflexion entourant l’avenir des églises. Nous savons également que personne ne veut se lancer dans un gouffre financier en maintenant à tout prix une église uniquement comme lieu de culte.

Des projets de reconversion ayant mobilisé la communauté ou réalisés dans un processus transparent et inclusif sont encore trop peu nombreux et mal connus. Pourtant, certains sont fortement inspirants : bibliothèque, centre de la petite enfance, lieu de diffusion, centre d’escalade, culture de légumes, etc.

Des conditions à mettre en place

Mais, pour y arriver, certaines conditions s’imposent et l’entrepreneuriat collectif peut contribuer à les mettre en place parce que ce modèle d’affaires mise sur la prise en charge individuelle et collective et qu’il ne recherche pas le profit à tout prix, mais plutôt la viabilité au service d’une rentabilité sociale.

D’abord, il faut informer et sensibiliser la communauté face aux enjeux de survie de leur église, de façon transparente et bienveillante. Ensuite, face à l’état de situation, il est essentiel de consulter et impliquer tous les acteurs de la communauté dans la recherche de solutions. En collaboration avec les municipalités, la Fabrique et les partenaires du milieu, il faut documenter les besoins de la communauté afin d’explorer les arrimages possibles entre ces besoins et l’usage de l’église. Il est important de ne pas bousculer les démarches de requalification des églises et prévoir du temps pour informer, consulter, mobiliser et impliquer la communauté. Les projets à succès sont ceux qui ont obtenu l’acceptabilité sociale de la communauté. Il est donc nécessaire d’avoir un appui fort de son milieu pour assurer la réalisation et la pérennité d’un projet. Dans certains cas, pour maximiser l’acceptabilité sociale, il est intéressant de miser sur une mixité des usages de l’église afin de conserver un espace pour la pratique du culte.

Il s’agit d’un vaste chantier, mais si nous entamons le dialogue pour créer des espaces de collaboration nous pourrions y voir naître des initiatives innovantes dans les prochaines années.

Lynn O’Cain

* (source : Les religions au Canada : bref portrait statistique, Centre d’études ethniques des universités montréalaises, décembre 2014).

Ce texte a d’abord été publié dans la Gazette de la Mauricie

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