Dans un contexte de changements démographiques dû au vieillissement de la population, à un déplacement de certains citoyens vers les centres urbains ou pour toutes autres raisons, de plus en plus d’entreprises se retrouvent avec le problème d’absence de relève. Une des solutions possibles est le repreneuriat collectif, mais qu’est-ce que c’est? J’ai donc fait appel à un spécialiste, monsieur Luc Malo, coordonnateur provincial à la reprise collective au Centre de transfert d’entreprise du Québec (CTEQ).
Le repreneuriat collectif, c’est quoi ?
D’une façon générale, le repreneuriat est la volonté commune pour un cédant (ou vendeur) et un repreneur (ou acheteur) d’assurer la pérennité d’une PME viable par le biais du transfert des pouvoirs, du leadership, des savoirs et de la propriété de celle-ci. Le repreneuriat collectif est cette même volonté, à cette différence près que le repreneur est un groupe dont la motivation principale n’est pas la maximisation du rendement financier, mais plutôt le maintien d’une entreprise essentielle pour lui ou pour la communauté.
Cette différence fait en sorte que certaines PME, modestement viables, jugées peu intéressantes pour une société par actions peuvent être une cible de choix pour un repreneur collectif qui y voit une façon de maintenir des emplois, un détaillant, un fournisseur ou même constituer une source de revenus contribuant au maintien et à l’essor d’une mission sociale. Le repreneuriat collectif vient donc augmenter le nombre de repreneurs potentiels pour une entreprise, et ce dans un contexte où plus de 2000 entreprises sont sur le point de fermer, faute de relève.[i]
Il est reconnu qu’un repreneur collectif est soit une coopérative, soit un organisme à but non lucratif (OBNL). Dans ces formes juridiques, tous les membres détiennent une voix égale aux autres membres. Il s’agit ainsi de formes juridiques démocratiques, contrairement à la société par actions où le pouvoir est réparti entre les détenteurs d’actions au prorata du nombre d’actions avec droit de vote détenu.
Le repreneuriat collectif, pourquoi ?
Tel que mentionné plus haut, le repreneuriat vise à assurer la pérennité d’une entreprise déjà implantée. Le modèle collectif est une voie sensée pour y parvenir, car il présente les meilleurs taux de survie. Selon une récente étude publiée par le Consortium québécois de la coopérative et de la mutualité (CQCM), les coopératives sont deux fois plus nombreuses à franchir le cap des 10 ans : 44,4 % contre 19,5 % des entreprises québécoises. [i]
Par ailleurs, il existe au Québec un écosystème intégré d’organismes et de professionnels voués à la réussite du repreneuriat collectif. Le Centre de transfert d’entreprise du Québec (CTEQ) accompagne les cédants. La Coopérative de développement régional du Québec (CDRQ), le Réseau COOP, les Pôles d’économie sociale et les fédérations sectorielles peuvent accompagner les repreneurs. Différents experts et financiers spécialistes de la reprise collective contribuent également à la réussite du projet à chacune des étapes d’analyse et de réalisation. Alors que les experts considèrent que 70 % des projets de transfert échouent[i], avec la volonté manifeste du cédant et du repreneur collectif, il est possible de confondre cette statistique.
Parmi les autres avantages de la reprise collective, notons :
- Possibilité de prendre collectivement les rênes d’une entreprise avec un investissement financier limité ;
- Possibilité de bénéficier de contributions financières remboursables ou non remboursables, notamment via le Programme de soutien à la reprise collective ;
- Possibilité de profiter de conditions d’emprunt spécifiques à l’économie collective ;
- Possibilité de profiter d’avantages fiscaux dans le cas de reprise par une coopérative de travailleurs ;
- Possibilité de partager le poids des responsabilités liées aux décisions stratégiques ;
- Possibilité de profiter de l’intelligence du groupe et des communautés de pratique pour innover ;
- Possibilité d’ajouter du sens au travail, et donc de faciliter la rétention des ressources humaines ;
- Possibilité de compter sur une meilleure résilience lors des coups durs en raison des liens d’usage forts entre les membres et l’organisation.
[i] Transfert d’entreprise 70 % échouent! – Amyot Gélinas (amyotgelinas.com)
[i] COMMUNIQUÉ | Étude sur le taux de survie des coopératives 2022 – Des chiffres révélateurs de la force coopérative, Conseil québécois de la coopération et de la mutualité (cqcm.coop)
[i] Plus de 2000 entreprises sur le point de fermer faute de relève | JDM (journaldemontreal.com)
Donc, les bénéfices et la valeur ajoutée du repreneuriat collectif méritent d’être reconnus comme outil favorisant la pérennité des entreprises québécoises. Votre Pôle d’économie sociale, avec le CTEQ et tous les partenaires travaillent en complémentarité afin de maximiser les opportunités de transfert d’entreprises selon leurs champs d’expertise. Cette collaboration entre les différents acteurs de l’écosystème en économie sociale est essentielle pour générer l’impact que peut avoir le repreneuriat collectif!
Luc Malo, coordonnateur provincial à la reprise collective, CTEQ
Sylvain Lemire, accompagnateur de projet collectif, Pôle d’économie sociale de la Mauricie